mercredi 11 janvier 2017


Aphrodite
Démétrios est sculpteur, séducteur, blasé. Chrysis est courtisane, séductrice,
 en chasse. Elle aime qu'un homme la suive "comme un chien "... Le sculpteur
 devient le jouet de la courtisane. Pour elle, il vole, tue, parjure. Mais toujours
 Chrysis se refuse à lui. Une nuit, Démétrios rêve qu'il possède cette femme.
 Dès lors, il tient sa vengeance, le destin de Chrysis est scellé...



AVIS 


“- Tu ne sais pas qui je suis…
- Toi ? Allons donc ! Tu es Démétrios de Saïs ; tu as fait la statue de ma déesse ; tu es
 l’amant de ma reine et le maître de ma ville. Mais pour moi tu n’es qu’un bel esclave,
 parce que tu m’as vue et que tu m’aimes.”
 
 
Après avoir lu il y a déjà quelques temps Les 120 journées de Sodome, j'avais le désir de découvrir davantage le genre littéraire érotique en beaucoup moins hard que ce que propose le Marquis de Sade. Tout à fait par hasard, j'ai choisi Aphrodite de Pierre Louÿs, peut-être un peu pour ce rappel à la mythologie grecque dont j'aime lire les histoires et légendes, tels que dans Les Métamorphoses d'Ovide ou avec d'autres auteurs antiques. Je dois dire que j'ai été agréablement surprise, tout d'abord face à cette écriture soignée et séduisante, parfois même enchanteresse. Les mots coulent avec une telle sensualité et parfois avec subtilité que je n'ai pu que boire les paroles des personnages et la narration que Pierre Louÿs nous propose. Aphrodite commence par la présentation de Chrysis, jeune courtisane sur les terres d'Alexandrie, qui vit voluptueusement entre ballades dans la ville à travers les marchés ou le port, et entre ébats dans sa couche, en duo comme en grand nombre, et avec la gente masculine autant qu'avec celle féminine. Les mœurs antiques paraissent alors très libérées, mettant en avant la beauté de l'acte sexuel et surtout de la femme. Dans son premier livre, l'ouvrage en étant composé de cinq, de nombreuses paroles louent la beauté féminine, ses atouts, sa sensualité, et créent des métaphores poétiques de la nature la liant aux différentes parties du corps de la femme. En voici quelques unes : << Ta langue est le poignard sanglant qui a fait la blessure de ta bouche. >> ; << Mes mamelles sont la lune et le reflet de la lune dans l’eau. >> ; << Elle est la grotte humide, le gîte toujours chaud, l’Asile, où l’homme se repose de marcher à la mort. >>
 
Nous découvrons également plusieurs autres courtisanes, toujours à travers le regard bienveillant ou dépréciateur de Chrysis et bientôt nous rencontrons à part Démétrios. L'éphèbe, l'amant de la reine, le sculpteur qui a personnifié si divinement la déesse. Toutes le désirent, il réussit donc à toutes les obtenir. Mais bientôt lassé par cette facilité dans cette chasse érotique, il va rapidement tombé sous le charme de Chrysis qui refuse de se donner à lui aussi facilement. La séduction peut alors renaître pour Démétrios et toute la tension entre les deux personnages n'en est que plus captivante. Pour se donner au jeune homme, la courtisane exige trois objets qui scelleront leur destin. Car afin d'obtenir ses objets appartenant à d'autres femmes, dont une particulièrement puissante, Démétrios sait qu'il devra faire couler le sang. Mais rien ne semble plus important que de ravir Chrysis afin de la faire sienne. Alors entre le vol de ses objets, l'auteur continue du côté de Chrysis à faire découvrir au lecteur la vie antique à Alexandrie, les réflexions parfois métaphysiques entre les différents courtisans lors des soirées et orgies sur la vie, et plus particulièrement sur l'amour définit par la volupté et la passion.
 
 
“Il avait obéi, donc il était captif. Cet homme libre, impassible, froid, subissait lui
 aussi l’esclavage, et sa maîtresse, sa dominatrice, c’était elle, Chrysis, Sarah du
 pays de Génézareth.”
 
 
Ce qui est d'autant plus intéressant, c'est que le roman ne se contente pas de livrer ce "simple" récit où Démétrios doit franchir des étapes avant de pouvoir obtenir son ultime présent. Finalement, les positions se renversent et un réel jeu du chat et de la souris se crée. Chrysis révèle un visage beaucoup plus sombre qu'auparavant, laissant place à la jalousie et à une soif de pouvoir alors que Démétrios se rend compte du pouvoir qu'il possède sur cette femme. Après avoir été autant résigné à être une marionnette pour les beaux yeux de sa convoitise, il va à ce moment pouvoir également s'amuser un peu à la titiller. En étant toujours aussi agréable, le style se développe et ne raconte plus seulement l'oisiveté et les beautés d'Alexandrie du point de vue des courtisans, mais aussi le désir de reconnaissance et de pouvoir dans un milieu où seul la beauté et la jeunesse comptent finalement. 
 
La femme prend une place considérable dans cette histoire et n'est pas reléguée uniquement à son "devoir" de procréer ou de servir l'homme comme on s'attendrait à le lire. Elle n'est pas forcément libre de sa condition, ne pouvant souvent exercer un autre métier que celui qu'elle produit dans sa couche, mais elle peut faire ses propres choix et n'est pas perçue péjorativement par sa condition de vie. La facilité et la jouissance de ses ébats sont toujours interprétées de façon positive pour ce qui concerne l'image de la femme, et se montrent toujours plus voluptueuses et séduisantes pour le lecteur qui se noie agréablement et sans résistances dans ce décor érotique, passionné et charnel.
 
 
“L’âme féminine est d’une simplicité à laquelle les hommes ne peuvent croire. Où
 il n’y a qu’une ligne droite ils cherchent obstinément la complexité d’une
 trame : ils trouvent le vide et s’y perdent. C’est ainsi que l’âme de Chrysis, claire
 comme celle d’un petit enfant, parut à Démétrios plus mystérieuse qu’un
 problème de métaphysique.”
 
 
 
CONCLUSION
 Un récit captivant au temps de l'Antiquité à Alexandrie tout en
 sensualité et charme autour principalement d'une femme
 incroyablement belle qui joue de ses atouts pour asservir un
 homme jusqu'à ce qu'il devienne un criminel, ce dernier
 acceptant ses demandes n'ayant plus savouré le goût de la
 séduction et de la passion depuis trop longtemps.

8 commentaires:

  1. Je ne connaissais pas et je ne suis pas une férue des classiques... et tu me donnes envie de m'y plonger. Merci pour la chronique !

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    1. Les classiques font souvent peur, on a l'impression qu'ils ne sont pas accessibles. Mais certains sont très intéressants et très faciles à lire, comme Aphrodite.

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  2. Je ne serais jamais allée l'acheter de moi-même mais tu me donnes envie de le découvrir ^^

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    1. Je crois me rappeler que je l'avais trouvé par hasard sur Amazon, le résumé m'avait bien tenté. Et je suis bien contente de l'avoir découvert, l'écriture est très belle et charmeuse.

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  3. Ce n'est pas un livre que je lirai pour mon propre plaisir,, mais merci pour ta chronique ! :)

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    1. Mais de rien, je me doute que peu de gens se tourneraient vers ce livre au premier abord. Mais ce livre est vraiment superbe.

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  4. Ce n'est pas à priori mon genre de lecture et je n'aurai jamais jeté un oeil dessus si tu n'en avais pas parlé aussi bien !

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    1. Merci beaucoup ! Comme je l'ai lu il y a quelques semaines maintenant, j'avais peur de ne pas réussir à en faire une chroniques concluante, mais je suis contente que ça intéresse quelques personnes :D

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