vendredi 13 janvier 2017

La Fête de l'insignifiance
Jeter une lumière sur les problèmes les plus sérieux et en même temps ne pas prononcer
 une seule phrase sérieuse, être fasciné par la réalité du monde contemporain et en
 même temps éviter tout réalisme, voilà La fête de l'insignifiance. Drôle de rire inspiré
 par notre époque qui est comique parce qu'elle a perdu tout sens de l'humour. Que peut-on
 encore dire ? Rien. Lisez !



AVIS 


“Je serais franche. Depuis toujours cela m’a paru horrible d’envoyer au monde
 quelqu’un qui ne le demandait pas.
- Je le sais, dit Alain.
- Regarde autour de toi : de tous ceux que tu vois, personne n’est ici par sa volonté.
 Bien sûr, ce que je viens de dire est la vérité la plus banale de toutes les vérités. À tel
 point banale, et à tel point essentielle, qu’on a cessé de la voir et de l’entendre.” 


Je dois dire que je m'attendais à quelque chose de très philosophique, jusqu'à peut-être en avoir parfois mal à la tête, plus ou moins difficile à appréhender, à comprendre, etc... Si vous n'avez jamais lu (comme moi avant cet ouvrage) de romans de Kundera et que vous possédez les mêmes craintes, vous pouvez les balayer dès maintenant. En regardant sa bibliographie diversifiée, entre essais, textes politico-culturels, romans, et son palmarès, du prix Médicis étranger au grand prix de littérature de l'Académie française pour l'ensemble de son oeuvre tout en étant cité plusieurs fois sur les listes du Prix Nobel de littérature, je me suis représentée une fausse image de cet auteur. Dès le début, La Fête de l'insignifiance a été une petite claque par son accessibilité et par les réflexions sur des choses simples de la vie. Et c'est bien une des choses que je préfère : réussir à apporter une beauté, une poésie aux choses simples. Ce n'est pas parler simplement de quelques sujets que ce soit, mais de réussir véritablement à écrire de manière juste la simplicité qui nous entoure. Vous pouvez le comprendre dès maintenant, j'ai été entièrement séduite par la prose de Milan Kundera et j'en demande encore davantage. Voilà la seule chose qui m'aura manqué dans ce livre : il est beaucoup trop court. Néanmoins, il aura réussi à faire naître le désir de lire ses confrères comme L'immortalité ou L'insoutenable légèreté de l'être. On peut dire que cette histoire compte plusieurs récits, plusieurs réflexions. Il y a l'anecdote sur une blague qu'aurait fait Staline devant ses généraux qui ne l'auraient pas comprises. Un lieu et une époque où semblent morts l'humour, la légèreté. Mais l'auteur nous propose une sorte de fiction autour de ce personnage important de l'histoire du XXème siècle. Il en dessine toute la grandeur en lui offrant des qualités telles que l'intelligence, la stratégie, le calme, et l'auto-dérision. Ce récit sur Staline n'a peut-être rien de vraisemblable, mais il est agréable à lire. Il nous plonge dans un cadre fixe avec des personnages concrets, connus, qui se retrouvent dans une situation assez loin de leurs prérogatives quotidiennes lors de leurs "réunions".


“Je me fous des soi-disant grands hommes dont les noms couronnent nos rues.
 Ils sont devenus célèbres grâce à leurs ambitions, leur vanité, leurs mensonges, leur
 cruauté. Kalinine est le seul dont le nom restera dans la mémoire en souvenir
 d’une souffrance que chaque être humain a connue, en souvenir d’un combat
 désespéré qui n’a causé de malheur à personne sauf à lui-même.” 


Si je me suis beaucoup intéressé à cette histoire, j'ai été également convaincue par celui qui la raconte et par ceux qui écoutent. Nous revoilà dans le présent aux côtés de quatre amis : Ramon, Alain, Charles et Caliban avec en plus un cinquième camarade, d'Argelo. Avec eux, ce n'est pas réellement une histoire ou une intrigue qu'on lit, mais des réflexions et des échanges entre ces différents personnages. Entre Alain qui réfléchit sur la réelle sensualité des femmes et au suicide de sa mère, Charles lui s'inquiète pour celle qui lui a donné la vie et qui est maintenant malade. Caliban, pour se donner un genre, invente un faux pakistanais lors des réceptions où il travaille comme serveur, et Ramon s'évertue dans le jardin du Luxembourg à vouloir découvrir l'exposition Chagall tout en refusant de faire la queue. Pour certains, l'enjeu n'est pas des plus capital, mais au fond, existe-t-il réellement un enjeu dans ce roman ? Je n'en ai pas vraiment l'impression. L'auteur ne choisit pas de dépeindre des personnages avec un but, une quête. Il les représente à un point A sans forcément laisser imaginer de suite. Les protagonistes sont simplement figés dans l'instant présent, ancrés dans leur réflexion respective ou leurs dialogues entre amis sans autre but que ce qu'ils proposent face au lecteur. Une chose est sûre, Milan Kundera aborde différents sujets qui peuvent parfois paraître banals mais qui possèdent une signification et une explication intelligentes, perspicaces et toujours exprimées avec style. 


“Une chose est évidente : contrairement aux cuisses, aux fesses, au seins, le
 nombril ne dit rien de la femme qui le porte, il parle de quelque chose
 qui n’est pas cette femme.
- De quoi ?
- De fœtus.
[...]L’amour, jadis, était la fête de l’individuel, de l’inimitable, la gloire de ce
 qui est unique, de ce qui ne supporte aucune répétition. Mais le nombril non
 seulement ne se révolte pas contre la répétition, il est un appel aux répétitions !”



CONCLUSION
Un livre d'une simplicité exquise, où interrogations et réflexions
 s'enchaînent autour de personnages du quotidien et qui aiment
 parler de choses simples de manière parfois poétique et
 extrêmement agréable à lire.

2 commentaires:

  1. Ce n'est pas un livre vers lequel je me tournerai de moi-même mais j'avoue que ta chronique me donne envie ! :)

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    1. Il est court, simple à lire. Après si on recherche une forte intrigue, je ne le recommanderai pas. C'est un livre parfait comme transition entre deux autres :)

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