jeudi 4 mai 2017

Malaimées, Elena River-Sand
Les relations de vies ordinaires, en apparence : relation mère-fille lorsqu’on a été
 soi-même une enfant malheureuse ; relation amoureuse quand on ne sait pas s’aimer ;
 relation incestueuse lorsque ne sait aimer que ses proches ; relations où la jalousie
 est un ingrédient indispensable pour tenir la cohésion en mode barré.
Un roman où tout va très vite parce que le temps est au changement, volontaire
 ou pas, aux révélations qui font mal. Ce roman vous entraîne dans le monde cruel de
 l’acceptation de la vie telle qu’elle est : sans pitié.



AVIS


« Elle sentit le désir l'envahir, même pas simulé, comme elle l'avait cru en sortant
 de la chambre. Il ne venait pas des sentiments qu'elle éprouvait pour son homme mais
 du combat qu'elle savait pouvoir gagner. La bataille des quelques instants à venir
 l'excitait plus que les hormones ou elle ne savait trop quoi. Elle n'aimait pas cet
 homme, elle aimait la guerre. » 


Dans ce roman, la vie est, tel qui l'ai écrit dans le résumé, sans pitié, tout comme les personnages. Je remercie Elena River-Sand de m'avoir proposé de lire son livre avec lequel j'ai passé un très bon moment. Il m'a surprise, estomaquée, m'a fait sortir de mes gonds, m'a fait sourire, etc... Je n'ai pas pu rester insensible aux événements auxquels doivent faire face ces différentes femmes. Que ce soit Céline, Élisabeth, Germaine ou Natasha, elles rencontrent toutes des difficultés à se trouver une place parmi les autres. En recherche de séduction, de liberté, d'acceptation de soi, ou de contrôle, ces protagonistes vont devoir faire face à leur vie à leur propre manière et choisir entre accepter ses actes ou modifier le cours de son existence. Céline est une mère célibataire et séduisante qui recherche le contact physique, l'étincelle de la nouveauté sans réellement souhaiter s'engager. Elle s'enferme alors au sein d'une boucle sans fin où elle ne réussit qu'à éloigner de plus en plus ses proches et où elle n'arrive plus à reconnaître le bonheur. Et lorsqu'elle est malheureuse, Céline n'aime pas être la seule dans cet état et se défoule sur ceux qu'elle a sous la main. Et le plus souvent, c'est Germaine qui paie les pots cassés. Lorsqu'on découvre la relation que l'adolescente entretient avec son père et sa belle-mère Natasha, je me suis demandée la raison pour laquelle Germaine acceptait de se laisser réprimander sans aucune raison. 

Pourquoi ne choisit-elle donc pas, lorsqu'elle voit jusqu'où les choses dérapent, de rentrer chez sa mère ? Quelques pages plus loin, j'ai compris : Céline est encore pire. Aigrie par la vie, ne croyant pas à l'amour ni au bonheur, elle se révèle rapidement une mère sans cœur. Je pourrais la qualifier de mauvaise mère mais tout est relatif. Germaine est bien alimentée, elle semble ne rien manquer du point de vue matériel. Mais côté sentimental et esprit de famille, elle est loin d'avoir les bagages nécessaires. J'ai clairement hallucinée lorsque je lisais les pensées de Céline, d'abord au sujet de son amie Élisabeth, mais surtout à propos de Germaine. Comment une mère peut être aussi contente du malheur et de la tristesse de sa fille ? Céline ne va cesser de se sentir en concurrence avec Germaine, ne la percevant plus comme une enfant mais bien comme une rivale qui pourrait lui "piquer" tous les hommes sur son passage grâce à sa jeunesse.

Le rapport de Céline avec sa fille et avec les enfants en général se révèle ambigu et conflictuel, tout comme celui d'Élisabeth et de Natasha. La première est emprisonnée dans un mariage auquel elle ne croit plus depuis longtemps. Même avant son mariage avec Julien, Élisabeth s'était posé la question. Aujourd'hui elle en est sûre : elle est homosexuelle. Et bientôt, elle ne va pas hésiter à apprendre la nouvelle à son mari et à chambouler toute leur vie de famille avec leurs deux filles au milieu. Si j'ai particulièrement apprécier l'histoire sur ce personnage qui m'a beaucoup touché par l'acceptation de son orientation sexuelle et sur le fait qu'elle décide d'apprendre à enfin s'épanouir, je dois dire que ses filles et son mari m'ont fait de la peine. Élisabeth, se justifiant par son manque de fibre maternelle et son envie de bonheur,  ne résiste pas à lâcher complètement son rôle de mère et d'épouse afin d'apprendre de nouveau à vivre. De son côté, Natasha, en couple avec Édouard, ne se sent épanouie que par le contrôle de son environnement et surtout de son conjoint. Alors lorsque celui-ci parle avec une autre femme ou s'occupe de sa fille pendant son week-end, Natasha ne peut s’empêcher de sortir les griffes. Ici aussi, Germaine n'est perçue que comme une rivale féminine, loin de sa réelle identité de jeune adolescente qui va pouvoir au fil du récit se libérer peu à peu de l'emprise de Céline. Dès sa rencontre avec le nouveau de l'école, le beau Clément, Germaine tombe immédiatement amoureuse. Et le garçon semble ressentir les mêmes sentiments. 

Le style grinçant et réaliste de l'auteure réussit à allier toute les galères, et parfois l'aigreur de ces femmes adultes, et en même temps une histoire d'amour mignonne entre deux adolescents. Seulement, Clément semble aussi partager un lien particulier avec sa mère. Marie arrive difficilement à départager son rôle de mère et d'amie, ayant peur de la solitude et de la perte de son fils. L'intrigue n'est pas forcément très gaie mais cache de belles scènes entre les protagonistes, entre désir de vraisemblance et de questionnement sur notre place au sein de cette époque contemporaine où les notions de beauté et de couple changent. J'ai détesté Céline, j'ai adoré Élisabeth et Germaine, et j'ai été entre deux eaux pour les autres personnages. Mais en tout cas, aucun ne m'a laissé de marbre. Ils possèdent tous une part sombre, ambiguë, qu'ils essayent de réparer afin de réussir à parvenir au bonheur et à le reconnaître lorsqu'il se déplie à leurs pieds. Seul la fin concernant Élisabeth m'a déconcerté. Lors de sa crise existentielle, elle se découvre un nouvel "ami" et je n'ai pas forcément adhéré avec ce choix fait par l'auteure, et surtout par la réaction de ses proches.


« Comment vous sentez-vous madame ?
- Bien, bien, merci. J'ai dû avoir une crise d'hypoglycémie.
-Vous êtes diabétique ? demanda-t-il en ouvrant la valise qu'il avait sur lui ?
- Non. Je pense être amoureuse.
Janis et le médecin sourirent.
- Belle maladie, dit ce dernier. »



CONCLUSION
J'ai adoré ce roman à la plume parfois acérée, sans filtre, dotée
 d'une dynamique qui fonctionne très bien dans ce contemporain
 et des personnages qui peuvent se lâcher complètement.

10 commentaires:

  1. Je ne connaissais pas du tout cet ouvrage ! Mais j'en prends note, tu m'as convaincue :D

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    1. Je suis contente de t'avoir donné envie. Ça a été une lecture vraiment excellente et puis l'auteure est vraiment sympathique !

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  2. Tu nous proposes encore une fois un roman dont je n'ai jamais entendu parler et qui m'a l'air doté de nombreuses qualités. Super!

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    1. Je n'en avais pas entendu parler moi non plus avant que l'auteure ne me contacte, et je suis vraiment contente d'avoir pu découvrir ce livre avec beaucoup de points forts. J’espère que tu te laisseras tenter ;)

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  3. Ça l'air intéressant, mais j'avoue que tu m'as perdue avec l'énumération des personnages. Je suis complètement larguée sur qui est qui : Céline la fille, Germaine la mère ??? :(

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    1. Pardon, je pensais avoir été clair ^^ Germaine est la fille de Céline :p

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  4. Réponses
    1. C'est même plus que ça ! Je me plonge de moins en moins dans des récits contemporains et pourtant je suis le plus souvent très agréablement surprise. Cette histoire m'a fait passé par de multiples émotions et j'ai vraiment accrochée avec l'écriture de l'auteure.

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  5. Je ne pense pas le lire pour l'instant, je pense qu'il trainerait dans ma PAL, mais ton avis hyper positif me donne envie de le découvrir un jour quand même ^^

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    1. J'espère que tu le feras et qu'il te plaira autant qu'il m'a plu. Ce n’est pas forcément une belle histoire où il arrive tout pleins de bonnes choses aux personnages, mais plutôt une prise de conscience pour chacun qui soient vont l'accepter soit la nier complètement.

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